Les températures sont clémentes sur la côte méditerranéenne, deux jours avant Noël. Raphaël, 14 ans, monte sur sa planche à voile pour profiter d’une bonne brise. Son père le surveille depuis la plage de Port-La-Nouvelle. Mais, peu à peu, le vent forcit. En ce 23 décembre, des rafales jusqu’à 50 km/h sont enregistrées. Rapidement, l’adolescent perd le contrôle de sa planche et n’arrive plus à relever sa voile à cause des bourrasques. Les vagues atteignent 3 mètres et l’emportent vers le large. Son père ne le voit presque plus, l’inquiétude monte.
Il décide d’appeler le 196. Le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) lance les recherches. Il est 14 heures, l’eau est à 13 °C et le soleil d’hiver va se coucher tôt. Le garçon est en danger. La nuit, les chances qu’il s’en sorte indemne seront infimes.
« Plus on avance dans l’après midi, plus on perd espoir »
L’hélicoptère Dragon 66 de la Sécurité civile est engagé pour quadriller la zone. En mer, la vedette SNS 133 Gema-Corbières est mobilisée. À bord, les cinq membres d’équipage ont conscience que « la vie d’un jeune est en danger », précise Yannick Trevily. C’est le premier sauvetage auquel participe le bénévole de 51 ans. Aujourd’hui, les exercices deviennent concrets. Arrivés sur place vers 15 heures, les Sauveteurs en Mer ne localisent pas le garçon malgré les indications du CROSS. Le temps presse : l’eau est froide et l’adolescent peut entrer en hypothermie à tout instant. Les sauveteurs redéfinissent une zone de recherche en s’adaptant à la forte houle.
Chaque minute est précieuse, mais les vagues diminuent beaucoup la visibilité. L’hélicoptère effectue plusieurs passages au-dessus de la zone sans toutefois visualiser la victime. « Plus on avance dans l’après-midi, plus on perd espoir », se remémore Bruno Robert, bénévole depuis deux ans à Port-La-Nouvelle. En mer, le vent est violent, la vedette gîte. « La mer est très formée, blanche, l’hélicoptère passe au-dessus de lui sans le voir », décrit Christian Salom, président de la station. Les Sauveteurs en Mer restent concentrés, une vie humaine est en jeu. De plus, le soleil est en train de décliner. « Les conditions de mer s’aggravent. C’est fini si nous ne le repérons pas très vite », ajoute Christian Salom
L’adolescent retrouvé trente minutes avant la nuit
Les bénévoles sont inquiets, quand ils reçoivent un appel radio. L’équipage de l’Argo, un navire câblier, a aperçu une forme en mer. Le capitaine guide les sauveteurs jusqu’au secteur : il s’agit bien de Raphaël. « Quand on le retrouve, c’est un grand moment, se souvient encore, avec émotion, Yannick Trevily. Il est épuisé, sa température atteint à peine les 33,8 °C. » Seul au large, le jeune garçon s’est assis sur sa planche frappée par la forte houle, en attente des secours. Les bénévoles, soulagés, le font monter sur leur embarcation.
« Il est alors en état de choc et tremble beaucoup », décrit Christian Salom. L’équipage l’a secouru juste à temps, « trente minutes avant la tombée de la nuit, à 14 kilomètres de la côte », précise Bruno Robert. Les Sauveteurs en Mer le réchauffent. Le jeune homme recouvre rapidement des forces jusqu’à son retour à quai, où il est pris en charge par les pompiers. « Après cette intervention, beaucoup d’émotions sortent parce qu’on a sauvé une vie », se remémore le bénévole, dont c’est la première opération d’ampleur.
« Je m’en souviendrai toute ma vie, c’était exceptionnel, poursuit Yannick Trevily. Cela m’a conforté dans mon engagement et ce pourquoi je suis là. » Le 13 février, l’équipage de la SNS 133 Gema-Corbières a été récompensé pour acte de courage et dévouement d’une médaille d’honneur remise par le préfet de l’Aude.